potentiel
Un conseil de classe, c'est une fin et un début, c'est un bilan, c'est un nouveau départ.
Mais les incohérences du système profitent aussi de ces moments pour nous sauter au visage. En particulier, on voit très vite que personne ne sait ce qu'il évalue, et personne ne cherche à le définir : le travail, le sérieux, les capacités ?
Ah, les capacités. Préciser qu'un élève a des capacités sous-entend que d'autres n'en ont pas... Et ça, c'est insupportable pour moi.
Je crois que tout le monde est capable de faire des études. Les inégalités se construisent au fur et à mesure de la scolarité. Mais n'importe quel élève, à n'importe quel niveau, peut y arriver. Le seul frein (et non des moindres) est l'environnement personnel de l'élève (social, psychologique etc). Mais j'ai déjà vu le lycée servir de bulle de protection pour des adolescents qui venaient s'y réfugier, et qui ainsi réussissaient à se concentrer sur leurs études et à réussir. Cela arrive même plus souvent qu'on ne le croit.
Je m'égare. Tout cela pour dire que je suis toujours extrêmement choquée quand on dit à un élève qu'il a des capacités non exploitées. Alors que le voisin peut continuer à faire tous les efforts du monde, il n'y arrivera jamais. Quelle cruauté ! En ce qui me concerne, j'évalue deux aspects du travail des élèves : les résultats et le sérieux. Pas le potentiel, puisque tout le monde en a.
Je ne crois pas du tout au concept de l'élève faible mais scolaire. Ne commencez pas à reprocher à un élève d'être scolaire. C'est exactement ce qu'on attend d'un élève, qu'il soit scolaire. Alors félicitons-le, au lieu de le mépriser. Il aura bien d'autres occasions dans la vie de montrer qu'il sait improviser, inventer, surprendre. En attendant, l'école ce n'est pas ça. Je le regrette profondément, certes. J'essaie dans mes cours de faire travailler l'imagination et la créativité quand c'est possible. Mais je ne reproche pas à un élève de ne pas s'adapter à ce genre d'activités. Cela fait des années qu'on lui enseigne le contraire, je ne prétends pas le changer en deux heures.
L'élève faible qui travaille comme un dingue, c'est un mythe. Il s'agit en fait d'un élève timide qui ne décroche pas un mot en cours et qui écrit tout le temps pour qu'on le laisse tranquille. Alors les profs croient qu'il travaille, qu'il est sérieux, méritant et un peu limité le pauvre. Et quand il se plante lamentablement à une interro, on dit qu'il a perdu ses moyens. Moi je pense au contraire que cet élève est un ado comme les autres, qui n'aime pas faire ses devoirs. Et qui ne les fait pas. Et qui le sait très bien. Et qui se moque intérieurement de tous ces profs qui se font avoir en croyant qu'il est sérieux. Parlez-donc cinq minutes avec lui après lui avoir rendu une mauvaise note. Demandez-lui s'il s'était assez entraîné. Il ne vous dira pas qu'il a fait cinq fois de suite parfaitement ce genre d'exercice à la maison et qu'à cause de monsieur le méchant stress il savait plus faire le jour J. Si c'était le cas, il aurait pas 4/20. Il aurait 11/20 au lieu de18. Et oui. Combien de fois je suis passée pour une méchante dame en conseil de classe en expliquant que non, il n'est pas sérieux, non il n'apprend pas ses leçons. Et que oui, l'autre, là, celui qui a des 12/20, il bosse, malgré ses airs nonchalants qui veulent faire croire qu'il est surdoué.
Parlons du travail et des efforts, qu'on peut évaluer tout à fait objectivement avec des interros de verbes irréguliers ou de définitions. Ne parlons pas du potentiel, concept on ne peut plus subjectif, donc injuste, et complètement impossible à évaluer par définition. Bref, soyons justes.
Et dans un deuxième temps, en dehors du cadre professionnel, militons pour une école qui ne forme pas des élèves "scolaires", des adultes formatés, mais des citoyens ouverts et critiques sur le monde qui les entoure.
Quant à la participation, rions un peu si vous voulez. Est-ce vraiment utile de "participer" pour réussir ses études ?
Pour préparer une épreuve orale, un élève doit s'entraîner à l'oral. Mais cela signifie-t-il qu'il doit avoir constamment la main levée, répondre aux questions rhétoriques des professeurs pendant un cours magistral ? Non. Bien sûr, cela donne des cours vivants et intéressants. Mais si un élève ne "participe" pas à ces moments-là, cela ne veut pas dire qu'il ne réussira pas ses épreuves orales ! On peut être timide et très bon à l'oral. C'est au professeur de mettre en place des situations qui favorisent l'expression orale des élèves. Quant aux disciplines où les élèves ne seront jamais évalués à l'oral, on ne doit pas reprocher un manque de participation orale. On doit selon moi attendre d'un élève qu'il soit actif en classe, mais pas nécessairement oralement.
L'évaluation est un sujet vaste et je ne prétends pas avoir toutes les réponses, ni avoir réfléchi à tous ses aspects. Mais au moins je me pose des questions. Tout faire au feeling, c'est juste pas pro.
Elle est vieille mon histoire, j'suis pas le premier à penser ça.