moyenne
Je déteste la moyenne.
Avoir la moyenne, ça n'a aucun sens. Aucun sens mathématique. Ce n'est pas une moyenne arithmétique, ce n'est pas une moyenne géométrique, ce n'est pas une moyenne harmonique. Ce n'est même pas une médiane. C'est juste du rien.
Enfin bon, ça se voudrait être une médiane : la moitié des notes en dessous, la moitié des notes au-dessus. Dans l'inconscient colllectif, si la médiane d'un contrôle est à 10, tout est normal, bien, parfait.
Quand un élève moyen "a la moyenne", tout le monde est content. Lui d'abord, car personne ne viendra l'embêter. Ses parents s'inquiètent tout de suite un peu moins. Ses amis n'en font pas tout un plat, il n'est ni trop bon ni trop nul. Son prof est occupé à donner des heures de colle à ceux qui "n'ont pas la moyenne" ou à se moquer d'eux. Et si ça continue comme ça, au conseil de classe, on ne dira pas grand-chose. Par acquis de conscience on lui dira de se forcer un peu plus. Dans une classe faible certains proposeront des Compliments, car c'est presque le seul qui "a la moyenne" partout. Celui qui n'est pas trop d'accord avec les Compliments car on vient de dire à l'élève de se forcer un peu plus ne sera pas pris au sérieux. Et on ne s'attardera pas.
Je ne vais pas commencer à parler de la constante macabre, jamais les profs ne donnent consciemment des mauvaises notes juste parce qu'ils trouvent que c'est dans l'ordre des choses. C'est bien plus compliqué que ça.
Du point de vue de l'orientation, si tout le monde avait des bonnes notes, tout le monde passerait "sans avoir le niveau". Avoir le niveau, en gros cela signifie que l'élève a retenu, acquis la moitié du programme. Oui, seulement la moitié. S'il en a retenu plus, c'est un génie. S'il en a retenu moins, il a pas le niveau et on refile un boulet aux collègues de l'année prochaine.
Mais consciemment, les profs voudraient que les élèves sachent tout, retiennent tout. Ils ne font pas exprès, d'avoir des élèves qui ne comprennent rien pendant une séquence sur deux. C'est comme ça, on n'y peut rien.
Et le comble de l'absurdité, c'est que les résultats aux examens n'ont rien à voir avec la qualité de l'enseignement proposé. Exception faite des profs notoirement hors-jeu, il y en a maximum un ou deux dans chaque établissement. Et encore, les élèves s'en sortent souvent correctement malgré tout, grâce aux cours particuliers et aux photocopies des cours des autres classes.
Essayez d'expliquer ça à un américain, un anglais, un chinois, un italien ou même à un belge, même wallon, ils ne vous croiront pas. J'ai essayé récemment dans une soirée d'en parler à une islandaise. Elle n'a pu que conclure qu'elle devait améliorer son niveau d'anglais (une islandaise !) car elle ne comprenait pas ce que je voulais dire !!!
Tous les profs vous le diront, même pour le contrôle le plus facile du monde, même quand on donne l'énoncé et le corrigé en avance (j'ai essayé oui oui), la médiane ne dépasse pas 12, 13 à la grande limite. Que faire ? Rejeter la faute sur les élèves (c'est plus ce que c'était ma bonne dame le niveau baisse c'est la faute à Internet) ? Jeter l'éponge ? S'en contenter ? Se décourager ? Changer de boulot ?
Quant aux élèves, ce n'est pas leur faute non plus. Ils essaient. Oui, oui, ils essaient. J'en ferai peut-être un autre article un jour. C'est très dur, l'école, et quand ils arrivent à "la moyenne", c'est humain, ils n'ont pas tous le courage d'en faire cent fois plus pour avoir 20. Surtout que tout le monde est content, voir ci-dessus.
Je ne sais pas du tout ce qu'il faudrait faire pour que cela change. Pour que les élèves revoient leurs ambitions à la hausse, et surtout pour que l'École leur donne les moyens d'atteindre ces objectifs. Pour que le découragement n'existe plus à l'École, ni celui des profs, ni celui des élèves. Qu'en pensez-vous ?
Des sanglots, des soupirs, un ciel d'encre et de jais.